L’interview adhérent : Focus Flash Therapeutics

Régulièrement, nous mettons en avant une entreprise adhérente de BMA. Ce mois-ci, Pascale Bouillé, fondatrice et Présidente de la société Flash Therapeutics nous livre son actualité et sa vision de l’entrepreneuriat.

Pascale Bouillé, quel est en quelques mots votre parcours professionnel ?

J’ai coutume de dire que je suis un pur produit de la recherche scientifique, ce qui est un peu provocateur quand on est chef d’entreprise, mais le but est effectivement de valoriser cette formation par rapport à l’entrepreneuriat : Être un chercheur c’est avoir des convictions et savoir s’adapter au résultats que l’on obtient, quand bien même on avait une hypothèse « préférée ». Lorsque les résultats semblent dire que l’hypothèse est fausse, il faut savoir aller vers l’hypothèse b voire la c ou d. Cela veut aussi dire qu’en théorie le chercheur est capable de s’adapter à un monde qui bouge.

Je suis convaincue que la formation de chercheur(se), quand on la regarde avec cet œil là, est une bonne formation, voire une formation idéale pour l’entrepreneuriat innovant.

J’ai complété mon cursus par des formations en finance, marketing & vente et en innovation dans les 2 premières années de la création de Vectalys via notamment à l’Institut Français de Gestion et HEC Executive, puis des piqûres de rappel de temps en temps.

 

Photo : Pascale Bouillé

J’ai eu aussi la chance de suivre une formation à Stanford pour les femmes entrepreneures (a) avec des enseignants réputés en management de Hommes et en business orienté vers l’innovation.

J’ai été surprise d’adorer apprendre la finance, les ventes, comment structurer un bilan, le webmarketing : Même l’envoi d’une « newsletter » peut être vécu comme une expérience avec des résultats, à partir du moment où on le construit pour pouvoir analyser un marché, le lancement d’un produit …

Qu’est-ce qui vous a motivé pour créer votre entreprise ? Comment en êtes-vous arrivé là ?

Après une thèse et un post-doc j’ai intégré le Genethon (CNRS, Evry), puis bénéficié de la mise en place de la loi Allègre permettant aux chercheurs de monter une entreprise via des dispositifs tels que le CIR (b), le statut JEI (c) et le lancement du concours de la création d’entreprises que nous avons gagné et grâce auquel Vectalys a perçu une aide de 400 000 euros. Vectalys a ainsi débuté avec un réel accompagnement dans l’innovation.

Quel est le savoir-faire spécifique de votre entreprise ?

C’est le transfert de gènes, notamment aujourd’hui le « RNA Delivery » : le développement de la technologie de transfert et par extension les technologies de production des produits thérapeutiques en découlant, d’où la création de deux entités distinctes distincte mais complémentaires : l’une de technologie et de l’autre de bioproduction (d). La structuration est importante pour identifier dans quel esprit chacun travaille et pour être lisible auprès des investisseurs, notamment.

L’harmonisation des deux savoir-faire, des rôles de chacun et du management des projets n’est pas simple. D’un côté il y a l’expertise et de l’autre l’industrialisation. Travailler ensemble n’est pas toujours naturel mais c’est la vie des produits biologiques aujourd’hui, les technologies évoluant rapidement. Cet exercice implique une cohésion d’un point de vue management avec des expertises très fortes dans différents domaines et évidemment des personnalités bien différentes devant travailler ensemble : développeurs, qualiticiens, pharmaciens, chercheurs, commerciaux…

Il n’y a pas encore de lignes directrices pour ces nouvelles technologies. Nous sommes sécurisés par l’utilisation de l’ARN qui est éphémère dans la cellule donc sans risque de mutagénèse, mais la particule virale est dérivée de HIV et les séquences transférées visent à réparer les gènes (édition des génomes). Il faut pouvoir expliquer les risques et les traduire en langage règlementaire d’où l’importance des échanges entre les chercheurs et les qualiticiens.

Qu’est-ce qui vous distingue de vos concurrents ? Quels sont les mots-clés qui caractérisent votre entreprise ?

En France au niveau industriel il n’y a pas de concurrence déjà engagée sur un programme clinique, sur les technologies du « RNA delivery ».

Concernant la partie production, il y a bien sûr Yposkesi, spin-off de Genethon d’où je viens, mais nous ne produisons pas les technologies et ne sommes pas sur la même échelle.

Notre spécificité est d’accompagner nos clients de la recherche à la phase clinique, et sur ce positionnement nous avons très peu de concurrents. Je ne parle pas seulement d’un accompagnement théorique mais aussi de fourniture de lots qui entrent dans un plan de qualification à visée clinique. J’adore voir les cartons prêts au départ dans nos locaux. La logistique de ces transports est également un véritable savoir-faire.

Aujourd’hui nos chefs de projets sont les experts qui sont soutenus dans la gestion de leurs projets par des procédures, des jalons… Nous organisons une réunion par semaine pour ne parler que de la gestion de projet et proposer des solutions au client, avancer avec lui.

Nous avons fait ce choix car nos clients sont eux-mêmes des experts et cela permet de leur donner rapidement des réponses adaptées.

 Avez-vous une actualité particulière en cette fin d’année ?

Nous allons bientôt avancer vers une grosse levée de fonds dont nous pourrons parler d’ici quelques mois.

Flash Therapeutics, comme toute entreprise innovante a besoin de beaucoup d’argent, notamment pour ses locaux GMP (NDLR : Good Manufacturing Practice) à Toulouse : bâtiment, équipement formation personnel. (NDRL : pour le moment la partie production est hébergée au centre Meary de l’Hôpital Saint Louis, photos ci-contre (e)).

   Photos : locaux GMP à Meary (Paris)

L’industrialisation coûte très cher et en parallèle nous développons un produit thérapeutique de phase I/II ce qui est très coûteux aussi.

Quelles est la plus belle réussite de votre entreprise/entreprenariat ?

Ce dont je suis le plus fière c’est l’équipe, avec un faible turn-over d’experts, de techniciens et managers, et aussi l’esprit de l’entreprise. Nous sommes composés de personnes de différentes natures et sensibilités professionnelles et nous avons pu amener l’ensemble à se mettre en musique. C’est ce qui me rend le plus heureuse, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas difficile.

Au niveau scientifique et technique c’est de voir ce que l’on peut faire avec des moyens limités d’une petite entreprise. Par exemple nous avons déposé un brevet sur un procédé sur lequel beaucoup d’autres étaient focalisés avec des moyens qui étaient 10 à 100 fois les nôtres, grâce notamment à l’énergie et la fluidité que peuvent développer des petites structures innovantes.

Avec le recul qu’est-ce que vous feriez différemment dans votre parcours de création/développement de votre entreprise ?

J’aurai aimé savoir démarrer en levant de suite beaucoup de fonds. Je n’ai pas réussi à le faire et en France peu de femmes entrepreneures ont réussi à le faire dans le domaine biotech. Pour notre activité, les levées de fonds ont toujours été compliquées et elles ont été faites par petits bouts. Il est difficile de trouver des investisseurs qui comprennent notre besoin d’innover et de produire en parallèle. Maintenant quelques entreprises américaines développent en intégrant la production, l’idée commence à faire son chemin.

D’un autre côté autour de nous je vois des structures qui ont eu beaucoup d’argent et qui ont été noyées. Quand on est obligé de faire avec peu on est obligé de cibler et de faire bien et nous avons toujours été dans une culture client.

Quels est votre prochain challenge ?

Notre prochain défi est de développer des stratégies de protocoles cliniques basées de notre technologie Lentiflash ® (NDRL : ARN delivery).

Notre 1er projet d’essai clinique démarre avec l’Institut Imagine et le Professeur Marina Cavazzana dans le cadre d’un programme RHU financé par l’ANR.  Nous avons cette technologie, nous sommes capables de produire le médicament et nous avons des cliniciens pour développer le protocole clinique et des patients qui pourront être sélectionnés au sein de l’institut.

Nous souhaitons développer d’autres programmes en partenariats afin que d’autres équipes puissent aussi utiliser la technologie Lentiflash ® pour des applications thérapeutiques

 Quels sont vos clients et futurs clients ? Quel type de relations avez-vous avec eux ?

En Europe et à fortiori en France, nos clients sont des académiques mais il y a peu de de Biotechs contrairement aux Etats-Unis (édition de génome, CAR-T Cell…), ce qui pose une vraie question :  pourquoi n’arrivons-nous pas à avoir suffisamment d’entreprises bien financées qui puissent développer de nouveaux médicaments ?

Chez Flash Therapeutics, nous avons une démarche collaborative pas uniquement envers nos partenaires mais aussi vis-à-vis de nos clients que ce soient pour des technologies arrivées au marché comme les vecteurs lentiviraux ou une technologie innovante comme LentiFlash nous sommes engagés dans la réussite du programme global pas seulement dans la vente de nos produits.

Quelles sont les principales difficultés/obstacles auxquels vous avez dû faire face pour ce nouveau challenge ?

Dans ce challenge de la clinique notre plus grosse difficulté a été de trouver des locaux adaptés. Nous avons sollicité tout le monde en Occitanie de l’opérationnel aux élus politiques mais il leur était difficile de comprendre ce que nous faisions je crois. Les locaux déjà construits disponibles auraient été trop coûteux à réhabiliter, nous devions donc trouver un site disponible et construire., Nous avons finalement trouver un acteur local, VECTURA , qui a compris nos besoins  et construit , un bâtiment qui vient d’être livré pour que nous l’aménagions selon les spécifications GMP. En attendant, notre activité de production de lots de vecteurs de qualité clinique est hébergée à l’hôpital Saint Louis au sein d’une plateforme de l’APHP dédiée à la production de médicaments de thérapie innovante. Nous sommes au sein d’un écosystème très engagé dans les partenariats publics -privés au service des patients.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneur.e.s?

Je les encouragerais à bien construire leur stratégie et à ne pas la perdre de vue. De croire en ce qu’ils font et de ne pas changer de stratégie tout le temps pour de mauvaises raisons. Surtout éviter l’opportunisme !

Il est important de s’entourer de consultants externes experts et brillants qui poseront les bonnes questions, ne pas rester dans la confusion, être convaincu de sa stratégie et savoir garder le cap.

Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas changer de stratégie. On change de stratégie pour des raisons de marché.Par exemple nous (NDRL : à l’époque Vectalys) avions décidé de ne pas aller vers la clinique. Nous avons fini par y aller parce que nous avons développé une nouvelle technologie et propriété industrielle qui nous permettaient d’ouvrir de nouveaux champs thérapeutiques et donc de nouveaux marchés. C’est la technologie et le marché qui ont poussé la stratégie. Nous n’y serions pas allés sans elle.

Claire Toutin

BIOMED Alliance


Cet article est issu de propos libre récoltés lors d’un entretien, avec l’aimable autorisation de Madame Pascale Bouillé, CEO de Flash Therapeutics.


* Flash Therapeutics est une société de services basée à Toulouse (31). Elle est composée de 33 personnes.

https://www.flashtherapeutics.com/

(a) 1ère promotion d’une formation hautement qualifiée financée par BNP Paribas : Chaque année entre 20 et 40 femmes entrepreneuses du monde entier sélectionnées bénéficient de cette formation.

(b)CIR : Crédit Impôt Recherche

(c) JEI : Jeune Entreprise Innovante

(d) Vectalys (https://www.vectalys.com/) est l’entité de production de Flash Therapeutics

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