L’interview focus adhérent : iMEAN

iMEAN est une start-up en bio-informatique basée à Toulouse spécialisée dans la modélisation in silico d’organismes vivants. En développant des modèles mathématiques complexes associés à des algorithmes disruptifs, iMEAN développe et conçoit des modèles digitaux à très haute capacité prédictive qui confèrent une vision nouvelle sur la biologie et les biotechnologies.

Rémi Peyraud, co-fondateur et CEO de iMEAN nous présente cette jeune entreprise en forte croissance.

Quel est en quelques mots votre parcours professionnel ?

J’ai effectué un cursus en Biochimie à l’Université Paul Sabatier à Toulouse puis une thèse pendant 4 ans à l’ETH de Zurich en Suisse pendant laquelle j’ai modélisé notamment des microorganismes associés aux plantes. J’ai ensuite bénéficié d’un financement européen EMBO pour venir conduire mes recherches post doctorales sur la modélisation des organismes vivants pendant 6 ans à l’INRA à Auzeville (31).

Qu’est-ce qui vous a motivé pour créer votre entreprise ?

J’ai rencontré Lucas Marmiesse, le co-fondateur d’iMEAN pendant cette période à l’INRA. Lucas développait des logiciels de simulation. Dans ma recherche pour démontrer les phénomènes biologiques j’effectuais systématiquement une étape de modélisation avant d‘aller à la paillasse.

80% du temps mes expériences fonctionnaient telles que prévues alors qu’au contraire c’est plutôt le taux des expériences qui ne fonctionne pas en biologie.

Prendre le temps de modéliser, de bien comprendre le système biologique, de tester théoriquement des hypothèses avant de se lancer dans la démonstration expérimentale, souvent longue et complexe, me permettait en effet d’éliminer très en amont les hypothèses qui avaient peu de chance d’aboutir.

Il y avait donc une très grande valeur ajoutée à cette façon de procéder et nous nous sommes dit avec Lucas qu’il y avait une technologie à proposer.

Nous avons maturé le projet pendant 3 ans avant de monter notre start-up. Les statuts ont été déposés en août 2018 et iMEAN a été opérationnelle début septembre de la même année.

Quelles en ont été les éléments facilitateurs de la création de iMEAN ?

Notre stratégie a été tout d’abord d’aller chercher l’expertise qui nous manquait, nous qui avions de purs profils scientifiques. Nous avons postulé à NUBBO qui nous a incubé pendant 2 ans. NUBBO nous a permis de monter en compétence très rapidement notamment sur notre business model, notre valeur ajoutée et le travail de la relation au client.

Ensuite nous sommes allés chercher du prêt d’honneur avec le réseau Entreprendre et Créalia.

Maxime Fontanié (ndlr : ex-Président et membre de BIOMED Alliance) a été notre premier parrain dans le réseau Entreprendre. Il nous a souvent conseillé en termes d’optimisation de l’entrepreneuriat d’une biotech, d’optimisation des aides et de dépassement de certains caps psychologiques.

Avec TWB (ndlr : Toulouse White Biotechnologie), nous avions discuté très en amont et avons assez vite vu qu’il y avait une forte complémentarité de nos activités. Ça a été assez naturel de s’installer au sein de cet écosystème. TWB nous a notamment aidé dans la mise en contact avec nos premiers clients, dont Michel Manach (ndlr : ex-Business développeur de TWB puis de Cell Easy).

Le CIR, enfin, a été primordial au départ de iMEAN car nous avons lancé pas mal de R&D en interne et il fallait payer les salariés. Sans lui nous n’aurions pas pu croître aussi vite.

Quel est le savoir-faire spécifique de iMEAN ?

Nous développons des algorithmes permettant de modéliser des organismes vivants.

Nos algorithmes sont disruptifs dans ce sens ou ce sont des hybrides entre modélisation mécanistique et intelligence artificielle, nous les combinons pour prendre le meilleur de chacun.

La problématique de la modélisation mathématique des organismes vivants est qu’il y a une combinaison très grande de possibles, par exemple entre un microorganisme et les réactions enzymatiques de notre base de données, elles sont de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers.

Même si on était capable de calculer chaque combinaison et de les stocker dans un atome, il n’y aurait pas suffisamment d’atomes dans l’univers pour pouvoir stocker tous les résultats.

Nos algorithmes peuvent explorer cet espace de solutions très vaste et identifier très rapidement les zones d’intérêt qui ont des bonnes performances.

Qu’est-ce qui vous distingue de vos concurrents ?

C’est tout d’abord l’expertise humaine que nous mettons dans le développement de nos modèles, qui sont « curés » manuellement, c’est-à-dire corrigés finement, afin de leur assurer une haute performance et une haute qualité, c’est un peu de l’orfèvrerie, de l’horlogerie fine je devrais dire, en référence à mes années en Suisse ! Nos modèles sont faits avec une précision et un soin qui leur confère cette très forte capacité prédictive.

Ensuite, notre organisation horizontale nous permet de monter des équipes projet très flexibles en allant chercher de la synergie de collaboration en interne.

Comment la technologie de iMEAN se transpose de la microbiologie industrielle, votre premier domaine d’activité, à la santé ?

Historiquement nous avons fait de la microbiologie industrielle parce que c’était un domaine mûr pour notre technologie et nous avions conscience de son intérêt pour l’ingénierie métabolique. Ce fut donc assez facile de convaincre les clients en recherche académique mais aussi industriels, tel que L’Oréal. Puis nous nous sommes lancés dans l’agronomie grâce à notre savoir-faire de modélisation des microorganismes associés aux plantes qui sont des modèles multi-tissus en interactions multiples avec un environnement complexe.

Mais cette technologie peut aussi tout à fait s’appliquer à la réponse des cellules humaine à l’environnement ainsi que j’avais pu le démonter lors de ma collaboration avec l’équipe INSERM de Jean-Emmanuel Sarry au CRCT : Nous avions analysé avec succès grâce à la modélisation la réponse différentiée de lignées de leucémie de patients à la metformine.

Comment abordez-vous ce marché de la santé ?

Nous l’abordons selon deux angles ; le microbiote et la cancérologie.

Concernant le microbiote, à la surface de la peau et au niveau intestinal, nos cibles sont la cosmétique, la probiotiques & compléments alimentaires et le traitement des maladies.

Il y a une demande très forte en ce moment pour ce type de nouvelles thérapies qu’il est difficile de développer et de designer avec robustesse. Nous pouvons y apporter de la rationalisation grâce à une plateforme de modélisation du microbiote qui permettra de designer de nouvelles molécules et aller explorer cette combinatoire qui devient vite assez énorme car dans un microbiote on peut avoir des centaines de microorganismes différents.

Ce premier screening in silico sera une aide au choix du meilleur candidat et de la meilleure expérience à tester.

Le deuxième angle est la cancérologie et les cellules cancéreuses : En fonction du profil métabolique des cellules et du patient, on peut avoir une réponse aux traitements très différent ; le pouvoir prédictif de notre technologie pourrait permettre de savoir quel sera le traitement le plus efficace pour le patient porteur de telle lignée cellulaire cancéreuse.

Quels ont été les impacts de la crise de la covid-19 sur l’activité de iMEAN ?

Nous avons eu un ralentissement de notre croissance en mars 2020 car des clients de grands groupes ont annulé des projets par manque de visibilité. Mais nous avions déjà pas mal de contrats donc nous avons tout de même pu avoir, comme l’année précédente, un doublement du chiffre d’affaires en 2020.

En interne, notre adaptation aux restrictions a été simple puisque nous travaillons in silico et que nous étions déjà usagers du télétravail.

Nous avons aussi reçu le soutien de l’état par le PGE et la dotation rapide du CIR.

Quelles sont les plus belles réussites de votre entrepreneuriat ?

Une de notre première et grosse satisfaction est arrivée avec nos premiers clients par lesquels nous avons pu mesurer rapidement la valeur de notre entreprise en termes d’aide au pilotage de la R&D.

C’est le meilleur indicateur de succès d’une société de service que d’être utile à ses clients et les voir revenir. Le pari que nous avons fait avec Lucas du bootstrapping (ndlr : autofinancement) et de ne pas faire de levée de fonds nous imposait de réussir à apporter tout de suite de la valeur à nos clients pour nous développer.

Ensuite, c’est de pouvoir donner du travail à 10 personnes cette année, d’autant plus des scientifiques pour lesquels il est parfois compliqué de trouver un emploi et de valoriser son savoir-faire, notamment en France.

En effet, cette année, les objectifs étant de nous développer et nous structurer nous avons agrandi l’équipe avec un business developer, une bio informaticienne & développeuse, une modélisatrice et une stagiaire en management de l’innovation.

Avec le recul qu’est-ce que vous feriez différemment dans votre parcours de création d’entreprise ?

Nous n’avons pas vraiment eu d’écueils car nous avons su bien nous entourer.

Nous avons quand même essayé de faire des levées de fonds, sans succès jusqu’ici. Pour l’instant ce n’est pas un problème parce que le bootstrapping fonctionne mais on aurait peut-être pu exploser et aller beaucoup plus vite si on avait su convaincre des investisseurs de parier sur une société de services. Nous sommes encore dans une phase d’exploration de notre marché. Notre succès provient de notre capacité à adapter notre technologie pour livrer un maximum de valeur pour des marchés très différents, et ça peut être déroutant pour un investisseur.

Quelles sont les principales difficultés que vous voyez pour réussir à pénétrer le marché de la santé ?

Nous ne connaissons pas très bien les acteurs du domaine de la santé et avons besoin de nous insérer dans cette communauté d’où notre adhésion à BIOMED Alliance.

La compréhension de cet écosystème et de ses problématiques, trouver des partenariats pour nous aider à mettre le pied à l’étrier dans ce secteur sont des gros enjeux.

La santé, avec l’Intelligence Artificielle est concurrentielle en termes de solutions alternatives à nos approches.

Enfin la règlementation du développement du médicament pourrait aussi être un frein car nos approches in silico ne sont pas requises pour l’instant en pré-clinique.

Nous pouvons être vu comme une étape supplémentaire dans un domaine déjà très contraignant, mais nous allons voir comment c’est accueilli.

Quels sont les atouts d’un scientifique dans l‘entrepreneuriat selon vous ?

Il y a souvent un regard très dubitatif de l’environnement envers les scientifiques concernant leur capacité à être entrepreneur. Mais à partir du moment ou on reste pragmatique et ouvert, ou on se base sur les données pour comprendre son écosystème et prendre des décisions, ou on est ouvert à ce challenge qui est de devenir entrepreneur, ça se passe bien. Il me semble qu’on peut même éviter beaucoup d’écueils comparé aux profils plus business : Ils savent certainement bien mieux parler à des investisseurs et leur faire toucher le rêve du doigt mais la force du scientifique est de comprendre le réel et donc de pouvoir rationaliser pour que le rêve advienne.

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Claire Toutin

BIOMED Alliance

Cet article est issu de propos libres récoltés lors d’un entretien, avec l’aimable autorisation de Monsieur Rémi Peyraud, CEO de iMEAN.

iMEAN est basée à Toulouse (31) et emploie 10 personnes.

https://imean-biotech.com/

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