NEWTEAM MEDICAL développe, produit et commercialise des solutions de prothèses mammaires externes innovantes et personnalisées : Méavanti ® et Air’Avanti ®. L’entreprise commercialise aussi des masques lavables suite à la crise sanitaire. Leonarda Sanchez, Présidente et co-fondatrice de la société, nous en parle et nous livre sa vision de l’entreprenariat : solidaire et social.
Quel est en quelques mots votre parcours professionnel ?
Je suis originaire du Nicaragua, mon souhait a toujours été de faire des études supérieures, mais l’instruction est difficilement accessible aux femmes en Amérique Latine. En gagnant les olympiades de mathématiques d’Amérique Centrale j’ai obtenu le droit d’étudier 6 ans à Moscou avec une bourse. J’y ai passé un Master II en relations internationales et ma première expérience professionnelle a été celle de manager dans un groupement, auprès des entreprises européennes souhaitant pénétrer le marché russe après la période de la Perestroïka.
Comment est né NewTeam Medical ?
Après dix années en Russie puis deux au Brésil, je me suis installée en France en 2011 et j’ai été confrontée au cancer du sein d’une amie. Cette amie portait une prothèse mammaire externe suite à une mastectomie et avait très mal au dos, sa prothèse étant beaucoup plus lourde que son sein. Elle m’a demandé de lui « bricoler » une solution, et dans ma cuisine, j’ai créé ma première prothèse ! C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que certains produits étaient faits sans tenir compte du besoin de l’utilisateur.
Newteam au départ c’est donc une histoire de copines, mais ensuite c’est devenu pour moi un choix professionnel. Je savais que je ne pouvais pas tout révolutionner mais, à ma manière, je pensais et je pense toujours, que si chacun change une petite chose dans son quotidien, alors collectivement les tendances vont changer.
Newteam a été créé en 2011 pour rendre possible mes démarches de R&D et comprendre ce qu’est un dispositif médical. J’ai énormément travaillé pendant un an sur la règlementation, les process industriels, les silicones, les élastomères.
Comment est née votre première prothèse, Meavanti® ?
Il faut savoir que la même prothèse de bonnet C par exemple est indifféremment proposée à une patiente de 40 ans et à une patiente de 80 ans alors que l’état physique et physiologique est complètement différent entre ces deux âges : Notre corps porte les vestiges de ce que nous avons vécu et de ce que nous vivons.
La relation à l’intime avec l’autre et soi-même est elle aussi fortement altérée après une mastectomie. Ne pas pouvoir entrer en intimité parce qu’on a une prothèse qui ne ressemble pas à l’autre sein est très traumatisant. Et à notre époque, nous restons «femme » plus longtemps que nos ainées.
La privation brutale d’un sein crée un déséquilibre physique et psychique dramatique et brutal et ce n’est pas à la femme de s’adapter à sa prothèse, elles doivent pouvoir porter une prothèse avec laquelle elles soient à l’aise. De ce double constat est née cette idée de créer une prothèse ergonomique et belle à voir : Meavanti®.
En quoi la prothèse Meavanti® se distingue-t –elle des autres prothèses de la concurrence ?
Meavanti® est une prothèse personnalisable qui prend en compte le galbe de chaque femme. Nous avons créé un système de lestage qui fait l’objet du brevet déposé en France en Europe, en Russie et aux Etats-Unis.
Meavanti® n’est pas traditionnelle, son assemblage est adapté au poids du sein restant, à la carnation de la patiente et à la taille et la forme de son mamelon.
La personnalisation doit être accessible au plus grand nombre. Quand une personne est malade, la société ne doit pas ajouter à la souffrance physique le fait de ne pas pouvoir se soigner correctement par manque de moyens financiers personnels, si seules les élites peuvent le faire c’est une double-peine.
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? Comment y avez-vous fait face ?
De 2013 à 2014, j’ai commencé à contacter des industriels. Malheureusement, j’ai fait le constat qu’en France, beaucoup de savoirs faires ont disparu.
Aujourd’hui nous savons faire des robots, mais faire un produit simple tel qu’une prothèse externe, qui a un impact direct et réel sur la patiente ainsi que sur la réduction des coûts de la sécurité sociale, demande beaucoup de temps à cause de la disparition de ces savoirs faires.
Il y a une urgence vitale à ramener des compétences sur notre territoire, ça ne suffit pas d’avoir des capitaux et des idées. Nous avons la chance d’avoir encore des milliers de retraités qui portent ces savoirs faires en eux. Il faut vite faire la transmission avant que cela ne devienne impossible.
Un effort important d’optimisation de production a dû être fourni afin d’arriver à combiner l’utilisation de techniques anciennes avec des nouvelles technologies, tout en restant accessible à une petite structure comme la nôtre.
Avez-vous d’autres produits ?
Oui, notre prothèse Air’Avanti® externe transitoire qui a la particularité de pouvoir être portée 24h après la chirurgie de mastectomie, donc en sortant de l’hôpital.
Air’Avanti® est faite en silicone biocompatible, sa forme en spirale lui confère flexibilité, ergonomie et laisse passer l’air pour permettre une ventilation entre le soutien-gorge et le pansement sans absorber la transpiration. Tous ces paramètres sont indispensables en période de convalescence. Sur demande des patientes nous l’avons aussi validé dans l’eau. Cette prothèse, garantie 1 an peut donc être utilisée plus tard pour un usage aquatique.
Nous l’avons souhaité accessible à la commande en ligne pour la rendre disponible rapidement juste avant l’opération de la patiente et sans prendre de risque sanitaire lié au déplacement. Le packaging de la prothèse a été pensé pour un encombrement minimal afin de réduire l’empreinte carbone et elle est fabriquée en Occitanie.
Quelle est le défi de New Team Medical en 2020-2021 ?
En 2019, le projet a vraiment pris de l’ampleur grâce à notre première ouverture de capital qui nous a permis d’avoir les moyens d’aller plus vite et de nous installer dans des locaux adaptés.
La phase de R&D est finie et le développement de l’entreprise va s’accélérer par l’entrée dans une phase de vente. Meavanti® et Air’Avanti® ont toutes deux le marquage CE et une partie de notre production est déjà prévue à l’exportation dans les Balkans, notamment en Grèce. Nous avons aussi des possibilités en Espagne et au Portugal. Notre première commande sera livrée en septembre 2020.
Afin d’accompagner cette croissance, notre équipe s’agrandit. Actuellement composée d’une responsable administrative et commerciale, d’un ingénieur en production et de moi-même, elle se renforce d’un prothésiste expert, unique dans le bassin du sud de la France.
Avez-vous d’autres projets?
Oui grâce à l’arrivée dans l’équipe de ce prothésiste nous allons pouvoir développer un troisième type de prothèse externe sur mesure. Cela permettra à des patientes à gros bonnet ayant subi une mastectomie partielle de bénéficier d’une solution prothétique. Le coût de ce type de prothèse sera bien sûr plus élevé car il s’agira d’un produit unique mais si nous ne le faisons pas, la patiente n’a pas de solution. La prothèse pouvant durer 2-3 ans en fonction du soin qui lui est porté, l’investissement restera intéressant.
Notre savoir-faire va aussi pouvoir se décliner à d’autres parties du corps à la demande de chirurgiens.
Nous allons également faire évoluer Meavanti® en la rendant adhérente à la peau grâce à un patch collant. Elle pourra alors être portée sans soutien-gorge ou sous une brassière pour les activités sportives lorsque la qualité de la peau le permettra. Notre objectif est de créer une unité entre la prothèse et la femme lors des mouvements. La commercialisation est prévue l’année prochaine.
La crise sanitaire liée à la covid-19 a-telle eu un impact sur votre business plan ?
Elle a eu un impact énorme car elle est arrivée au moment où la commercialisation de Meavanti® devait être lancée. Par effet dominos de nos partenaires impactés par la crise, le travail de 6 mois de préparation de la commercialisation a été anéanti. Il a fallu créer à nouveau les conditions nécessaires à ce lancement et nous sommes actuellement en train de mettre tout en place pour pouvoir fournir nos patientes.
Vous avez aussi agi et participé à l’effort demandé par l’Etat aux entreprises françaises pendant cette période en produisant des masques…
Concernant les masques, l’État a demandé aux fabricants de réagir vite car il y avait une réelle pénurie. Nous avons donc fait un effort financier conséquent pour produire et faire valider rapidement des masques lavables de qualité, bien que ce ne soit pas notre métier de base ; nous l’avons fait parce qu’il y avait un réel besoin pour la population.
Nos masques sont fabriqués en fil médical par une entreprise partenaire spécialisée dans les produits de dispositifs médicaux, leur niveau de filtration est de 99 % en neuf et ils peuvent être lavés 24 fois.
Les utilisateurs de nos masques sont majoritairement les entreprises. Les membres de Biomed alliance ont été très solidaires en nous en commandant, participant ainsi à l’économie locale et par ricochet d’autres entreprises sont venues à nous. De plus 1 euro par masque vendu étant reversé à La Ligue contre le Cancer 31, dont les dotations ont fortement diminué depuis le début de la crise, nous lions l’utile à l’impact social.
Sur ce sujet, l’état français est en train de demander aux industriels de produire en France mais dans le même temps, il envoie un signal très négatif en ne les soutenant pas en France et à l’exportation en Europe puisqu’aujourd’hui les masques lavables fabriqués en France ne sont pas mis en valeurs face aux masques à usage unique. Ces derniers ont par ailleurs un coût deux fois supérieur et un bilan écologique néfaste. Malgré ces constats, l’Etat n’aide pas les entreprises qui fabriquent des masques en tissu.
Quels seraient les éléments facilitateurs pour le développement futur de NewTeam Medical et plus généralement des entreprises de santé en Occitanie?
Le médical représente une industrie importante en Occitanie mais qui n’existe presque pas face à l’aéronautique. Pourtant la région compte un grand nombre de petites entreprises qui peuvent avoir une puissance de croissance incroyable : Nous qui sommes une toute petite entreprise, nous sommes capables de créer une vingtaine d’emplois en moins de 1 an mais pour ça nous avons besoin d’être accompagné aussi. Jusqu’ici nous avons fait beaucoup avec nos propres moyens mais nous ne pouvons pas tout faire tous seuls. Si nous voulons pérenniser cette industrie nous avons vraiment besoin d’aide des organismes d’Etat.
Pour avancer dans notre projet, nous avons eu besoin d’acheter du matériel pour créer votre premier prototype, pour réaliser des analyses en laboratoire. Nous n’avons pas trouvé d’aides adaptées à ces besoins dans la région. Je pense que la Région doit adapter ses aides aux vrais besoins des entreprises de santé qui ne sont pas ceux de l’informatique ou de l’électronique.
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L’équipe de BMA souhaite remercier vivement Leonarda Sanchez pour sa disponibilité, le partage de ses expériences et la qualité des échanges lors de la préparation de cet article.
Claire Toutin
BIOMED Alliance
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